Le GREPSY s’implique: Démarches politiques pour un meilleur accès à la psychothérapie

Santé mentale: il faut impliquer les chercheurs en intervention psychosociale

Lettre d’opinion du GREPSY publiée dans le quotidien Le Soleil du 15 septembre 2020.

« Les données probantes démontrent que traiter les troubles de santé mentale représente un investissement grâce à une diminution des coûts directs (par exemple: réduction des consultations médicales et de l’utilisation de médicaments psychotropes) et indirects (par exemple: diminution de l’absentéisme) de ces troubles. Mais encore faut-il que les traitements offerts soient efficaces.
Si l’on veut que les programmes gouvernementaux atteignent leur cible de réduire la détresse psychologique et prévenir le développement ou la chronicisation des troubles de santé mentale, il est crucial de les baser sur les données probantes. L’allocation des ressources financières doit donc être guidée par la science et les interventions ayant un rapport coûts-efficacité favorable doivent être privilégiées. »

Lire la lettre complète ici.

JOSÉE SAVARD, Ph.D. Professeure titulaire, École de psychologie, Université Laval

Les autres signataires de la lettre sont Geneviève Belleville, Ph. D., Guillaume Foldes-Busque, Psy.D., Ph. D., Isabelle Denis, Psy.D., Ph. D., Charles M. Morin, Ph. D., Marie-Christine Ouellet, Ph. D., Martin D. Provencher, Ph. D., professeurs, École de psychologie, Université Laval.

Pour un accès universel à la psychothérapie

Lettre d’opinion co-signée par quelques membres du GREPSY et publiée dans le quotidien La Presse du 17 octobre 2020.

« Pour toute solution, la personne en détresse et sans assurance privée ou aux moyens limités ne trouve au Québec que deux choix : la médication, déjà très largement prescrite mais ayant connu une augmentation comme l’indique la hausse de 20 % des réclamations pour les antidépresseurs chez les assureurs privés depuis le début de la pandémie, ou la liste d’attente pour recevoir des services dans le système public, déjà débordé et avec une attente allant de plusieurs mois à deux ans. 
Et pourtant, une piste de solution rigoureuse et éprouvée est devant nos yeux. »

Lire la lettre complète ici

MARTIN DRAPEAU, Ph.D. Psychologue, chercheur et professeur titulaire en psychologie du counseling et en psychiatrie à l'Université McGill

Les autres signataires de la lettre sont Karen Cohen, psychologue et cheffe de la direction à la Société canadienne de psychologie; Luc Granger, psychologue et professeur émérite au département de psychologie de l’Université de Montréal; Janel Gauthier, psychologue et professeur émérite à l’École de psychologie de l’Université Laval ; Conrad Lecomte, psychologue et professeur émérite au département de psychologie de l’Université de Montréal ; Michelle McKerral, psychologue et directrice du département de psychologie de l’Université de Montréal ; Yves Lacouture, psychologue et directeur de l’École de psychologie de l’Université Laval ; Marc-Simon Drouin, psychologue et directeur du département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal ; Paul Samuel Greenman, psychologue et directeur du département de psychologie de l’Université du Québec en Outaouais ; Pasquale Roberge, psychologue, chercheuse et professeure au département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’Université de Sherbrooke ; Martin D. Provencher, psychologue, chercheur et professeur titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval ; Josée Savard, psychologue et professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec ; Ghassan El-Baalbaki, psychologue chercheur, professeur et directeur adjoint du département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal ; Helen-Maria Vasiliadis, professeure titulaire à la faculté de médecine et sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et chercheuse au Centre de recherche Charles-Le Moyne ; Geneviève Belleville, psychologue et professeure titulaire à l’École de psychologie de l’Université Laval ; Guillaume Foldes-Busque, psychologue et professeur à l’École de psychologie de l’Université Laval ; Isabelle Denis, psychologue et professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval ; Jean-Pierre Houle, psychologue en cabinet privé.

Position du GREPSY quant aux investissements en santé mentale annoncés par le gouvernement québécois le 2 novembre 2020

Position du Groupe de recherche sur les interventions psychologique (GREPSY) de l’Université Laval sur les investissements provinciaux en santé mentale annoncés le 2 novembre (100 millions $; 2 novembre 2020).

Nous sommes évidemment extrêmement favorables à tout investissement supplémentaire en santé mentale. Toutefois, cette annonce suscite plusieurs préoccupations tant sur le plan organisationnel que clinique.

Premièrement, nous sommes préoccupés par la gouvernance et le manque de stratégie globale. Comme expliqué dans notre lettre d’opinion publiée le 14 septembre dans le journal Le soleil (https://www.lesoleil.com/opinions/sante-mentale-il-faut-impliquer-les-chercheurs-en-intervention-psychosociale-25a9a3d5ad49558e231c85347b1cefd4), il est essentiel que le gouvernement interpelle des spécialistes du domaine afin de s’assurer que la population retire un maximum de bénéfices des investissements publics. Or, à notre connaissance, ce n’est pas le cas. Cette situation est d’autant plus désolante sachant que le gouvernement provincial (Fonds de recherche du Québec) et fédéral a, à travers les années, investi des millions en subventions pour la recherche sur les interventions en santé mentale. Les investissements en santé mentale annoncés seraient une occasion en or pour tirer profit des découvertes et avancées qui ont été réalisées par les chercheurs québécois grâce aux fonds publics. Il faut savoir que la Québec fait très bonne figure au niveau national et international en termes d’expertise sur les troubles mentaux les plus fréquents (p. ex., anxiété, dépression, troubles du sommeil) et que plusieurs d’entre-nous avons déjà développé et prouvé l’efficacité d’interventions psychologiques auto-administrées pour ces troubles et qui pourraient être intégrées au PQPTM. Or, nos démarches répétées auprès du Ministère pour nous impliquer restent sans réponse.

Une autre limite importante de cette annonce et qu’il ne s’agit pas d’un budget récurrent. Pour que les soins en santé mentale soient véritablement accessibles, il faut des investissements durables. Cette mesure apparaît plutôt comme un « bandaid », une solution à court terme pour un problème de manque d’accessibilité chronique.

Aussi, il n’est pas clair quelle proportion de ce montant servira à embaucher plus de psychologues dans le réseau public et améliorer les conditions salariales et de pratique de ceux qui sont déjà en place. Le recours aux psychologues au privé est une très bonne idée qui avait d’ailleurs été suggérée dans une lettre d’opinion du Dr. Martin Drapeau publiée dans La Presse du 17 octobre que des membres du GREPSY ont cosigné https://plus.lapresse.ca/screens/f1d579e5-841a-451e-a841-08f54050cf19__7C___0.html. Toutefois, l’argent investi dans cette mesure spécifiquement (35 millions $) est loin d’être suffisant.

Il semble qu’encore beaucoup d’argent sera dédié aux services de première ligne (ex., organismes communautaires, lignes d’écoute). Or, ce n’est pas là où le problème se situe principalement à notre avis. On aura beau multplier et agrandir les portes d’entrée du système, si cela ne mène pas à des services de psychothérapie accrus, le goulot d’étranglement s’aggravera et la liste d’attente ne fera que s’allonger.

Le ministre Carmant a énoncé qu’il souhaitait que seulement 30 % des patients ayant des troubles de santé mentale soient vus par un psychologue plutôt que 60-70 % actuellement. À ce stade-ci, il est important de distinguer la détresse psychologique des troubles de santé mentale. On pourrait en fait les visualiser sur un continuum avec l’absence de détresse psychologique à une extrémité et la présence d’un trouble de santé mentale sévère à l’autre. Dans le milieu, l’on retrouve les personnes qui ont un certain niveau de détresse psychologique mais qui ne rencontrent pas les critères d’un trouble de santé mentale donné. Alors que les personnes manifestant de la détresse psychologique peuvent très bien bénéficier d’une intervention prodiguée par divers intervenants, les personnes souffrant d’un trouble de santé mentale ont besoin d’un traitement et ce traitement c’est la psychothérapie. Or, ce sont les psychologues et les psychothérapeutes qui ont l’expertise pour traiter les troubles de santé mentale. Du soutien offert par d’autres types de professionnels (éducateurs, travailleurs sociaux, infirmières, etc.), ça peut contribuer à aider la personne souffrant d’un trouble de santé mentale mais ça ne suffira généralement pas pour traiter son trouble, limiter sa persistance et éviter une rechute dans l’avenir.

Nous sommes extrêmement favorables au principe sous-tendant le Programme québécois pour les troubles mentaux (PQPTM) qui favorise les approches par paliers. Toutefois, le succès de programmes comme le PQPTM repose d’abord et avant tout sur le choix de stratégies d’interventions basées sur les données probantes. Plusieurs psychothérapies auto-administrées existent et ont été montrées efficaces dans des études rigoureuses. Or, quand le ministre parle d’autosoins, il semble désigner des interventions beaucoup plus minimales comme le fait de consulter le site Aller mieux à ma façon du Gouvernement du Québec. Ce site, bien que très bien fait, n’offre pas une psychothérapie auto-administrée pour les troubles de santé mentale. Il présente des stratégies d’hygiène de base et d’autogestion qui peuvent être bénéfiques aux personnes souffrant de détresse psychologique mais qui ne sont que peu d’utilité pour quelqu’un qui souffre d’un trouble de santé mentale (p. ex., dépression sévère).

De plus, un des grands principes des approches par paliers qui est très souvent oublié est que la première étape d’intervention que l’on offre à un patient doit être d’une nature et d’une intensité suffisante pour amener un bénéfice significatif chez une large proportion de patients. Si non, si la majorité des patients demeurent tout aussi symptomatiques après le premier niveau d’intervention et sont donc dirigés vers une deuxième étape de soins, on ne fait aucune économie. De plus, on perd un temps précieux qui fera en sorte que la problématique des patients deviendra encore plus sérieuse et chronique et aura pour effet de les décourager à chercher de l’aide. Pour certains patients plus sévèrement atteints, il faudra en fait passer directement au deuxième ou au troisième palier d’intervention. Il est donc crucial que le choix du premier niveau d’intervention offert soit basé sur une évaluation rigoureuse.

Enfin, il faut aussi s’assurer que les intervenants dans les différents milieux sont au fait des interventions les plus efficaces pour un trouble de santé mentale donné et ont reçu la formation pour l’administrer de façon efficace et efficiente. Or, nous n’avons rien vu dans l’annonce à cet effet.

En somme, bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle, il y a un grand risque que les investissements prévus ne donnent pas les effets escomptés et que la population continue de ne pas avoir accès aux soins dont elle a besoin.


Le Groupe de recherche sur les interventions psychologiques (GREPSY) de l’Université Laval est composé de Josée Savard, Ph.D., Geneviève Belleville, Ph.D., Isabelle Denis, Ph.D., Guillaume Foldes-Busque, Ph.D., Charles Morin, Ph.D., Marie-Christine Ouellet, Ph.D., Martin D. Provencher, Ph.D., tous professeurs à l’École de psychologie de l’Université Laval (www.grepsy.psy.ulaval.ca).

Image
Publié le